Je partage un article de HBR sur le management de l’empathie
Pourquoi la crise actuelle appelle un management humble et sincère?
Le leadership a indéniablement changé de visage. Le management aussi.
Visioconférence avec cuisine et enfants en toile de fond, problèmes de connexion… la crise sanitaire que nous venons de vivre a rebattu les cartes du management « classique », en brouillant une bonne fois pour toutes les frontières entre vie privée et vie professionnelle. Alors que les équipes s’habituent à travailler à distance depuis des mois, de nouveaux enjeux s’imposent aux managers : maintenir la motivation des salariés, faire vivre le collectif autrement, savoir prendre des décisions stratégiques à distance, et surtout faire preuve d’une nouvelle tolérance et d’une nouvelle compréhension des impératifs et des aspirations de chacun.
Une « nouvelle normalité » du leadership ne va pas faire irruption dans les entreprises, dans les mois qui viennent. Du moins, pas brutalement. Les évolutions se font mais elles prennent du temps. Cependant la situation que nous avons vécue a indéniablement défié toutes les pratiques classiques du management. Pendant longtemps, le leadership s’entendait invariablement du haut vers le bas, il existait une réelle verticalité, avec des techniques de management que l’on apprenait dans des écoles de management. Or, depuis quelques années, on se rend compte que le bon fonctionnement d’une entreprise ne tient pas seulement à des règles spécifiques à appliquer, mais aussi aux qualités profondément humaines de l’équipe. Depuis plusieurs années déjà, les individus ne veulent plus de dirigeants aux egos surdéveloppés, animés d’une forte dominante narcissique.
Avoir envie de se lever le matin
Le véritable changement, qui s’est accéléré pendant cette période inédite, tient à ce que les collaborateurs sont prêts à accepter dans le cadre de leur travail. Alors que l’on commence à prendre un peu de recul sur les derniers mois écoulés, de premiers constats émergent : sur le plan personnel, d’abord, il en ressort que pour certains, cette période a été l’occasion d’une prise de conscience sur leur propre mode de vie, sur le sens de leur métier, sur la mission et la vision de l’entreprise pour laquelle ils travaillent, sur le type de management qu’ils souhaitent au fond d’eux-mêmes… Jusqu’alors, on disait que l’arrivée de la génération Y sur le marché du travail allait bouleverser les pratiques, car cette génération ne souhaitait pas travailler pour n’importe quel leader. Aujourd’hui, ce constat s’étend peu à peu à toutes les classes d’âges, et aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Il faut se souvenir qu’en 2016, Gallup révélait, dans son étude sur les millennials, que la génération Y était la génération la moins engagée dans le monde du travail – 71% d’entre eux déclaraient ne pas être engagés émotionnellement, ou d’un point de vue comportemental, vis-à-vis de leur emploi ou de leur entreprise. Or, rien n’est plus exaltant que de trouver sa voie et de travailler pour une cause, un leader ou une institution qui donne envie de se lever le matin. Avec la crise sanitaire que nous traversons, il est à craindre que cette prise de conscience vis-à-vis de son travail, de son manager et de son entreprise se généralise à toutes les générations, bien au-delà des millennials.
Contre-productif et nuisible
Dans la difficulté, c’est finalement le management de l’empathie, de la confiance et de la sincérité qui a été le grand gagnant pendant le confinement. A l’inverse, on a vu, sur les réseaux sociaux, des bad buzz ont été déclenchés à la suite du partage d’e-mails internes, où il apparaissait que certains managers infantilisaient leurs employés en télétravail. C’est contre-productif et nuisible pour l’image des entreprises impliqués.
Plus que jamais, deux qualités sont aujourd’hui essentielles pour être un bon manager. Tout d’abord, il s’agit de faire preuve d’humilité, ce qui implique, par exemple, d’admettre qu’on n’a pas toutes les compétences et que, parfois, il faut aller les chercher ailleurs. Mais l’humilité est difficile à montrer, il s’agit davantage d’une affaire de perception. En effet, ceux qui travaillent directement avec vous peuvent vous voir comme une personne humble, alors que d’autres auront potentiellement une vision différente. Sur ce plan, ce sont les actes, presque plus que les paroles, qui comptent.
Ensuite, il faut agir et de prendre des décisions en cohérence avec sa vision personnelle. Savoir s’adapter au contexte, aux usages qui évoluent, être capable de revenir sur ses décisions si nécessaire, tout en continuant à agir en accord avec ses propres valeurs… c’est ce qu’a fait Howard Schultz lorsque son entreprise, Starbucks, était en difficulté en 2008. Alors que ses actionnaires, le conseil d’administration, ses clients avaient des injonctions toutes contradictoires, il a décidé de tenir le cap en restant fidèle à ce qu’il croyait profondément. Il choisit alors d’atteindre un point d’équilibre : satisfaire les actionnaires tout en préservant les valeurs de Starbucks et, en priorité, l’importance de la relation client. Alors que le groupe avait dilué sa marque au travers de nombreuses diversifications (loisirs, bars à musique, livres), Howard Schultz fit le pari de recentrer Starbucks sur son cœur de métier. Une stratégie de sauvetage visant à revenir à l’essence même du projet initial : faire un excellent café et créer une véritable relation avec les clients. Un leader doit savoir prendre de la hauteur à certains moments clés, quitte à se mettre en danger. Rester en poste tout en sacrifiant ses valeurs et son ambition mène à l’essoufflement, voire l’échec.
Des décisions radicales mais nécessaires
Howard Schultz a pris des décisions fortes pour recréer un esprit d’équipe et se recentrer sur ce qui faisait l’âme du collectif Starbucks, alors que les marchés financiers attendaient de lui un résultat immédiat. Des décisions radicales mais nécessaires, comme celle de fermer des centaines de cafés. Convaincu que, même en situation de crise, il faut prendre du temps pour le collectif de l’entreprise, il maintient un meeting interne réunissant plus de 10 000 collaborateurs, et ferme pendant une journée tous les Starbucks aux Etats-Unis, pour perfectionner la maîtrise de l’expresso au sein de ses cafés.
L’exemple d’Howard Schultz montre bien que le manager de demain devra être capable de proposer, d’incarner et de faire vivre une vision qui lui est propre, jusque dans ses méthodes de travail et de collaboration avec ses équipes. Créer du lien, être à l’écoute, considérer ses collaborateurs comme des partenaires et prendre en compte leurs propositions d’amélioration, voici autant de manières d’incarner un management humble et sincère à l’heure du déploiement massif du télétravail.